Le décret du 20 mai 2016 pris pour l’application de la loi du 6 août 2015 ayant réformant la procédure prud’homale a été publié au Journal officiel du 25 mai dernier.
Les mesures phares à retenir sont : la production des pièces dès la saisine du conseil de prud’hommes, les missions de mise en état dévolues au bureau de conciliation et d’orientation, la représentation obligatoire en appel par un défenseur syndical ou un avocat.
Voici, le détail des principaux changements.
Le contenu de l’acte de saisine est complété
A compter du 1er aout 2016, la demande écrite de saisine du conseil de prud’hommes devra être faite par requête adressée au greffe du conseil de prud’hommes. Elle doit contenir, en plus des mentions prescrites à l’article 58 du CPC, un exposé sommaire des motifs de la demande et être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions accompagnée d’un bordereau énumérant ces pièces (C. trav. art. R 1452-2 réecrit).
La requête et le bordereau doivent être établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, en plus de l’exemplaire destiné au conseil de prud’hommes (C. trav. art. R 1452-2 al. 3 réecrit).
Ces documents sont joints à la convocation qui sera adressée par le greffe au défendeur par lettre recommandée avec avis de réception.
Dans cette lettre, le greffe invite le défendeur à communiquer ses propres pièces et prétentions au demandeur avant l’audience du bureau de conciliation et d’orientation (BCO) et l’informe que s’il ne s’y présente pas, l’affaire pourra être jugée au fond sur la base des éléments communiqués par la partie adverse.
En cas de litige relatif à un licenciement économique, l’employeur doit adresser au salarié dans les 8 jours suivant réception de la convocation, les éléments qu’il a fournis, selon le cas, aux représentants du personnel ou à l’administration par lettre recommandée avec accusé de réception.
Certaines règles sont supprimées
Pour les instances introduites à compter du 1er août 2016, la règle de l’unicité de l’instance, supprimée, ne peut plus être une cause d’irrecevabilité d’une nouvelle instance relative au même contrat de travail qu’une précédente instance.
Mais dans le même temps, la possibilité de présenter des demandes nouvelles à tout moment de l’instance prud’homale, y compris en appel, disparaît (C. trav. art R 1452-6 et R 1452-7 abrogés).
Fin de l’obligation de justifier d’un motif légitime pour être représenté
L’obligation de comparaître en personne et de justifier d’un motif légitime pour se faire représenter n’est plus applicable depuis le 26 mai 2016 (C. trav. art. R 1453-1 réécrit).
A l’exception des avocats, les personnes habilitées à représenter une partie devant le conseil de prud’hommes doivent justifier d’un pouvoir spécial, les autorisant à concilier au nom et pour le compte du mandant et à prendre part aux mesures d’orientation vers une des formations du bureau de jugement (restreinte, normale ou présidée par un magistrat du TGI) (C. trav. art. R 1453-2, 2°, al. 3 nouveau).
Le délégué des organisations syndicales remplacé par le défenseur syndical
Les personnes habilitées à assister ou représenter les parties devant le conseil de prud’hommes restent les mêmes, à l’exception des délégués permanents des organisations syndicales et professionnelles, remplacés par les défenseurs syndicaux dans les instances et appels introduits à compter du 1er août 2016 (C. trav. art. R 1453-2, 2° modifié).
Les conséquences de l’absence d’une partie à l’audience de conciliation et d’orientation
Dans les instances introduites à compter du 7 août 2015, lorsque sans motif légitime une partie ne comparaît pas (en personne ou représentée) à la date prévue pour la tentative de conciliation, le BCO peut juger l’affaire en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués (C. trav. art. L 1454-1-3).
Le décret du 20 mai 2016 précise que lorsque le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le BCO peut aussi renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement.
Le BCO peut déclarer la requête et la citation caduques. Cette déclaration de caducité peut être rapportée dans certaines conditions. (C. trav. art. R 1454-12 réécrit).
Lorsque le défendeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le BCO doit juger l’affaire en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par le demandeur.
Il ne peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement, réuni en formation restreinte, que pour s’assurer de la communication des pièces et moyens au défendeur (C. trav. art. R 1454-13 réécrit).
Détails de la procédure de mise en état en cas d’échec de la conciliation
En cas d’échec de la conciliation entre les parties, la mise en l’état de l’affaire est confiée à titre principal au BCO, cependant à titre subsidiaire le bureau de jugement peut être amené à y procéder, lorsqu’il est saisi directement ou que l’affaire portée devant lui n’est pas en état d’être jugée.
Le BCO fixe, après avis des parties, les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces. Il peut organiser des séances spécialement dédiées à la mise en état et dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une séance ultérieure. Dans ce cas, la communication entre les parties se fait par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats. Les parties doivent justifier de ces communications auprès du BCO dans les délais impartis.
Le BCO peut entendre les parties en personne, les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige et les mettre en demeure de produire dans le délai qu’il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer le conseil de prud’hommes (C. trav. art. R 1454-1 réécrit).
Lorsque les parties ne respectent pas les modalités de communication, le bureau de conciliation et d’orientation peut radier l’affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement. En l’absence de production des documents et justifications demandés, le BCO peut renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement et tirer toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus (C. trav. art. R 1454-2 réécrit).
Le BCO peut au besoin désigner un ou deux conseillers rapporteurs qui ont tous les pouvoirs de la mise en état (C. trav. art. R 1454-3 et R 1454-4 réécrit)
Une nouvelle mesure provisoire peut être prise par le BCO
Le BCO peut désormais prendre une décision provisoire récapitulant les éléments devant figurer dans l’attestation d’assurance chômage, pour permettre au salarié de faire valoir ses droits aux allocations de chômage lorsque l’employeur n’a pas délivré cette attestation. La décision du BCO n’exonère pas l’employeur de son obligation de délivrance.
Une dérogation à l’oralité de la procédure
Devant le conseil de prud’hommes, la procédure reste orale sous une réserve : dans les instances introduites à compter du 1er août 2016, lorsque toutes les parties sont représentées par un avocat et formulent leurs prétentions par écrit, leurs conclusions doivent comporter un récapitulatif de leurs prétentions sous forme de dispositif.
De plus, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés (C. trav. art. R 1453-5 réécrit).
La représentation devient obligatoire en appel
A compter du 1er août 2016, les parties doivent être représentées par un avocat ou, à défaut par un défenseur syndical, et l’appel doit être formé, instruit et jugé suivant les règles de la procédure avec représentation obligatoire.
Les demandes nouvelles en appel deviennent irrecevables.
Le défenseur syndical peut valablement accomplir ou recevoir tous les actes mis à la charge de l’avocat dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire (C. trav. art. R 1461-1 et R 1461-2).
Les avocats doivent, à peine d’irrecevabilité d’office, remettre à la cour d’appel les actes de la procédure par voie électronique en application de l’article 930-1 du CPC. En pratique, la transmission se fait par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA).
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(Décret 2016-660 du 20-5-2016 : JO 25)